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Entretien avec Victor Dutot

À l’occasion des Rencontres Européennes Anches Doubles à Besançon du 21 au 23 octobre 2016, Buffet Crampon s’est entretenue avec Victor Dutot, qui présentera un récital pour basson contemporain samedi 22 octobre durant le congrès.

1. Quel est votre parcours en tant que bassoniste ? Qu’est-ce qui vous a amené à jouer de cet instrument ?
Dans ma famille, tout le monde fait de la musique en amateur. Mon oncle est également musicien professionnel, donc je baigne dans ce milieu depuis tout petit. J’ai commencé le basson un peu par hasard, parce que René Sicart, le professeur de solfège de mon frère était bassoniste à la Police Nationale. Quand j’ai dû choisir un instrument, vers 7 ou 8 ans, je suis donc allé essayer le basson et, sans pour autant aller jusqu’à dire que j’ai eu le coup de foudre, j’ai beaucoup aimé. J’ai donc ouvert la classe et y suis resté tout seul pendant 8 ans ! Je suis ensuite parti au Conservatoire de Versailles dans la classe d’Alexandre Ouzounoff, puis je suis entré au CNSM de Paris dans la classe de Gilbert Audin. J’ai ensuite fait tout le parcours classique pendant cinq ans, et j’ai passé mon Master. Ce furent cinq années superbes.

2. Vous avez choisi de proposer un programme d’œuvres pour basson contemporain pendant les XXe Rencontres Européennes d’Anches Doubles de Besançon. Comment avez-vous construit ce programme ?
Fabrice Ferez, l’organisateur des READ, sachant mon passage chez Alexandre Ouzounoff, m’a suggéré de jouer une de ses pièces, d’où Lawson, qui est au programme. C’est toujours intéressant de travailler une pièce d’Alexandre, car il a connu les deux facettes de la création : celle du compositeur et celle de l’interprète (nous lui devons les grandes pièces du répertoire contemporain comme les oeuvres de Isan Yun, Martial Solal, Nguyen Thien Dao, Ton That Tiêt…).

Je présente aussi des pièces que j’ai découvertes par hasard, comme Bloc V de Patrice Mestral, une œuvre que j’ai dénichée chez Arioso, dans les bacs de partitions qui se trouvent devant la boutique… Il se trouve qu’il s’agit d’une pièce que j’ai jouée plusieurs fois et qui plaît beaucoup.

Quant à Calling, de Dai Fujikura, c’est une pièce que j’ai découverte à la bibliothèque du Conservatoire de Paris. J’ai vu qu’elle avait été créée au basson allemand par Rebekah Heller, et je me suis dit qu’elle devait pouvoir être jouée au basson français. Gilbert Audin et moi avons fait un gros travail sur les multiphoniques notamment pour adapter des doigtés correspondant à ceux qu’avait voulu Fujikura.

Pour finir, j’ai prévu une pièce pour basson et bande magnétique, ce qui est assez rare. Je n’avais jamais fait ça auparavant, j’ai pensé que c’était une belle occasion.

3. D’où vient cette curiosité pour le répertoire contemporain et les compositeurs moins connus ?
J’en ai fait pendant 10 ans partie de La Bande Des Hautbois de Claude Villevieille. J’ai découvert beaucoup de répertoire, et surtout la musique baroque. C’est là que j’ai appris à être curieux et à m’intéresser aux grands compositeurs, mais aussi aux compositeurs plus mineurs. Je suis maintenant très attaché à faire découvrir aux gens des compositeurs moins connus.

4. Comment découvrez-vous ces compositeurs ?
J’écoute beaucoup de musique, beaucoup de CDs. Il y a toujours des personnes qui font ce travail de chercher des partitions, de les rééditer, de les enregistrer. Moi-même, j’ai eu la chance de pouvoir faire cela : je vais par exemple à la BNF chercher des manuscrits pour découvrir de nouvelles pièces. Je trouve que c’est important, parce que le répertoire de notre instrument n’est pas très étendu, à part Vivaldi, Mozart et la musique du 20ème siècle. Or beaucoup d’œuvres valent le coup d’être jouées, même si elles ne sont pas forcément du même niveau. Parfois, on a de bonnes surprises !

5. Développer le répertoire du basson français en créant des pièces qui lui sont dédiées, est-ce une manière de vous engager pour cet instrument ? Comment voyez-vous l’avenir du basson français ?
J’aime beaucoup mon instrument. Je trouve qu’en France, on a une chance incroyable d’avoir le choix entre deux bassons, les deux à un niveau professionnel. Dans d’autres pays, on pratique certes le basson français, mais plus par curiosité, ou à un niveau amateur. En France, on a pu réussir à maintenir les deux systèmes.

C’est pour cette raison que j’aimais bien l’idée de présenter un répertoire contemporain au Congrès de Besançon. Il faut absolument que l’on continue à jouer de la musique contemporaine, de la musique d’aujourd’hui, pour éviter que le basson français ne se transforme en instrument de musée. Il faut que l’on reste moderne, que l’on s’adapte, que l’on trouve comment jouer cette musique. Mais il faut également rester très généraliste, faire de tout, être « tout-terrain ». Evitons à tout prix l’étiquette musique française = basson français, et jouons absolument de tout, que ce soit des compositeurs allemands, du Boulez, ou encore du Dai Fujikura. C’est important.

6. Quels sont vos projets au sein du Sinfonia Pop Orchestra, que vous avez créé ?
Le Sinfonia Pop Orchestra est un orchestre que mon ami Jean-Philippe Fournier a fondé avec nous, il y a de ça six ans, quand nous étions encore au conservatoire de Versailles. Jean-Philippe nous a un jour fait part de son envie de monter un orchestre de musique de films. Je me suis donc chargé de la petite harmonie, et nous avons tous recruté selon nos compétences.

Au début, cela a été difficile de maintenir un orchestre de 90 musiciens, sans argent, simplement avec la fougue de la jeunesse. Mais la musique de films est un peu un rêve pour les musiciens, et nous avons réussi à professionnaliser l’orchestre, à être rémunérés et à faire de « vrais » concerts.

Nous avons fait un concert au Palais des Congrès, il y a deux ans, avec Pixar. L’année dernière, c’était au Grand Rex, autour de John Williams. Pour le mois de février prochain, nous avons pour projet « John Williams strikes back » au Grand Rex, avec les musiques de Star Wars, Harry Potter, Indiana Jones etc. On a également un projet de musique de Dragon Ball au Grand Rex, et un projet Séries TV au mois de juin, avec Game of Thrones, Lost etc.

7. Quelle est la genèse de votre quatuor de basson français, les « Les Francs Bassons » ? Quels sont vos projets en cours ?
Il y avait une excellente ambiance dans la classe de basson français de Gilbert Audin, ce qui nous a permis de former un quatuor de bassons pour promouvoir l’instrument, car les gens ne le connaissent que trop peu. Nous avons donc fondé Les Francs Bassons. Nous avons déjà fait bon nombre de concerts, avec des pièces pour quatuor. Nous présentons le basson aux personnes qui ne le connaissent pas où qui croyaient le connaitre mais ne savaient pas que cela pouvait être un instrument si virtuose, si soliste.

Nous faisons environ une dizaine de concerts dans l’année. En 2015, c’était à l’IDRS à Tokyo, puis en Allemagne chez Rieger en 2016. Nous avons tourné dans plusieurs villes de France, souvent pour des gens qui découvrent l’instrument, ce qui est extrêmement important et très gratifiant.

L’année prochaine, l’un de nos projets est de faire une tournée aux Etats-Unis. Nous nous sommes rendu compte que les américains adorent le basson français ! Je le constate beaucoup sur les réseaux sociaux. Quand on partage un contenu sur le basson, il suffit de dire Gilbert Audin, Julien Hardy ou encore Maurice Allard sur internet pour se rendre compte de la véritable image de marque que porte le basson français. À l’étranger, il y a du potentiel pour montrer que cet instrument est à suivre et n’est plus le même que dans les années 1970 ou 1980. Sur YouTube, j’alimente une chaîne avec des enregistrements actuels, pour montrer que le basson français a évolué au niveau du son et du style depuis Maurice Allard. J’y ai ajouté des enregistrements de Gilbert Audin, Julien Hardy et Philippe Hanon qui sont plus actuels pour faire découvrir ce changement.

8. Que représente Buffet Crampon pour vous ?
Pour moi, Buffet Crampon représente vraiment la French Touch. Une entreprise qui a fêté ses 190 ans, c’est déjà assez rare, mais qu’elle arrive aussi à exporter une tradition, une qualité dans le monde entier, c’est exceptionnel. Contrairement à d’autres entreprises, Buffet Crampon n’a pas cédé à la facilité de délocaliser, pour rester au siège traditionnel de Mantes La Ville, ce que je trouve génial.

Derrière Buffet Crampon, il y a vraiment l’excellence des instruments à vent français, qui remonte jusqu’au 18ème siècle. A cette époque, des centaines d’instrumentistes à vent ont été recrutés lors de la création du conservatoire. Finalement, l’excellence française remonte à ce moment-là. D’excellents professeurs ont alors créé des méthodes, et cette filiation jusqu’à aujourd’hui, cette reconnaissance des instrumentistes à vent français dans le monde, est relayée par les instruments Buffet Crampon.

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