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Entretien avec Fabrice Ferez

Professeur au Conservatoire de Besançon, hautbois solo de l’Orchestre de Franche Comté et bien sûr organisateur des XXème Rencontres Européennes d’Anches Doubles en 2016, Fabrice Ferez a plus d’une corde a son arc.

Buffet Crampon vous propose de découvrir l’itinéraire de ce hautboïste engagé et de revenir sur l’organisation de ce congrès fédérateur.

1. Comment as-tu commencé le hautbois ?
Il n’y a pas de musicien dans ma famille. Au départ, je voulais faire de la guitare, mais il n’y avait plus de place dans la classe de guitare. En revanche, il y avait un professeur de hautbois. C’est comme ça que j’ai commencé. C’est d’ailleurs l’histoire de beaucoup d’enfants qui débutent cet instrument !

2. Quand as-tu décidé de faire du hautbois ta profession ?
À l’âge de 15 ans, j’ai pris la décision de partir à Lyon car je savais que je voulais faire de cet instrument mon métier. Mes parents, qui n’étaient pas musiciens mais tout de même enseignants, m’ont fait confiance dans cette voie.

3. Quelles ont été tes études ?
Je suis entré au CNSM de Lyon avec Jean-Christophe Gayot et Guy Laroche. Puis j’ai eu l’occasion d’aller étudier à l’étranger, à l’Académie Mozart à Prague, où j’ai fait beaucoup de musique de chambre. Certains professeurs m’ont beaucoup marqué, comme Maurice Bourgue et Sándor Végh, qui était un homme extraordinaire, un très grand violoniste. L’orchestre des jeunes Gustav Mahler a également été très formateur, j’y ai joué du cor anglais sous la direction d’importants chefs comme Claudio Abbado et Bernard Haintink.

4. Quand as-tu commencé à enseigner ?
J’ai commencé à enseigner assez jeune, il y a de cela bientôt 20 ans. Tout d’abord au Mans, où je suis resté deux ans. Depuis j’enseigne au Conservatoire de Besançon. Le climat y est froid, mais la chaleur est dans les coeurs ! J’ai été attiré par l’opportunité de pouvoir à la fois enseigner et jouer à l’orchestre de Franche-Comté. J’avais déjà joué dans cet orchestre quand j’étais au CNSM, je savais qu’il comptait d’excellents musiciens.

5. Quelle est l’histoire de la classe de hautbois de Besançon ?
La classe de hautbois est assez importante, avec plus de quarante élèves. Son histoire y est pour beaucoup : quand je suis arrivé en tant que professeur de hautbois, j’étais le quatrième en date depuis la fin du 19ème siècle ! Autrement dit, chaque professeur s’était grandement impliqué et était resté trente ans. L’histoire d’une classe est importante, cela permet de transmettre des traditions, de réfléchir à une évolution hors du cours terme.

6. Quelles questions t’es-tu posées quand tu as commencé l’enseignement du hautbois ?
On n’a jamais fini de se poser des questions ! Suivant les étudiants et les répertoires, on rencontre souvent des difficultés dont on n’avait pas connaissance. Mais nous avons eu la chance d’hériter du savoir de la génération précédente d’enseignants, qui nous a généreusement transmis une réflexion pédagogique nouvelle et riche.
De plus, j’ai l’avantage de connaître tous les « étages » de l’enseignement : quand j’étais au CNSM, j’ai commencé par enseigner dans de petites écoles. Au Mans, la classe marchait bien. C’était très formateur d’observer ce qu’avaient fait mes prédécesseurs. Puis, quand j’ai commencé à Besançon, j’ai très vite été convié à des jurys au CNSM. Cela m’a permis d’avoir une vue globale de l’enseignement, depuis l’école de musique jusqu’au niveau supérieur.

7. Des projets pédagogiques particuliers ?
Tout le temps ! Je suis assez fasciné par la création en général. Heinz Holliger dit souvent: « Sans nouvelle musique, nous sommes tous morts. » Pour que notre métier de musicien continue d’exister, il faut des œuvres nouvelles. C’est à nous de faire en sorte que la musique que nous jouons soit vivante. Nous faisons souvent des commandes de pièces pédagogiques pour les élèves, de pièces plus importantes pour les 3ème cycle… Evidemment, nous avons une bande de hautbois qui fonctionne, des projets autour de la construction de petits instruments (des hautbois en plastique par exemple), de nouveaux cursus comme la Licence de musicologie parcours « Interprétation, musique et arts », des échanges avec d’autres classes en France et Suisse frontalière.

Pour moi, il y a aussi un prolongement entre la recherche que l’on fait pour les élèves et le développement de projets personnels. Je suis très porté sur la recherche de répertoire ancien ou moderne. J’ai notamment réalisé un disque autour d’un compositeur du 19ème siècle, Napoléon Costes, originaire de la région de Besançon. Puis j’ai enregistré des pièces de Pavel Haas, en lien avec la musique d’Europe centrale du 20ème siècle. Le prochain CD à venir est un nouveau récital pour hautbois, hautbois d’amour et piano, avec Marc Pantillon : Messiaen, Dutilleux, Sancan, Franck Martin pour le magnifique label Suisse Claves.

8. Quelles sont les spécificités de l’orchestre Victor Hugo Franche-Comté ?
Depuis que Jean-François Verdier est arrivé, il y a six ans, nous avons mis en place plusieurs projets originaux qui s’adressent à des enfants dès l’âge de trois ans, des livres-disques destinés aux tout petits, comme par exemple une suite composée par Jean-François Verdier qui s’intitule « Le canard est toujours vivant », ou encore le disque « Anna, Léo et le gros ours de l’armoire ».

Nos enregistrements symphoniques ont été bien accueillis. Le dernier, Muses, comprend des œuvres de Claude Debussy, Alma Mahler et Alexander von Zemlinsky et vient de recevoir un Choc de Classica.

9. Est-ce que tu sens que ces activités de médiation et de sensibilisation de l’orchestre ont une influence sur la popularité du hautbois et la fréquentation de ta classe ?
Oui ! Être présent dans la ville, aux concerts, aide vraiment à faire connaître l’instrument et attirer de nouveaux élèves. Effectivement, c’est aussi grâce aux actions de médiation de l’orchestre : des lotos sonores, des manifestations qui permettent de se familiariser avec les instruments…

10. Comment ces deux casquettes de professeur et de musicien d’orchestre se complètent-elles ?
Cela me permet de m’investir complètement dans mon activité. Pour moi, il s’agit vraiment de remplir un rôle d’acteur musical complet sur un territoire. Un élève doit pouvoir venir au concert et entendre son professeur, que ce soit à l’orchestre ou en musique de chambre et parfois jouer à ses côtés. J’ai dirigé également deux orchestres amateurs dans la ville, l’orchestre universitaire et le philharmonique. L’idée est de s’arrêter quelque part et de s’investir entièrement dans la vie musicale d’un territoire, en évitant de s’éparpiller dans les déplacements.

11. Et la musique de chambre ?
Pendant 10 ans, j’ai fait partie du Trio de Poche, avec deux disques qui me paraissent importants. L’un s’articule autour du thème de l’Europe centrale au 20ème siècle, avec des pièces de Sándor Veress, Erwin Schulhoff, ou encore un trio absolument merveilleux du jeune Lutoslavski. Le deuxième disque est orienté vers des transcriptions de trios pour cordes, avec Beethoven et Schubert.
A présent, je suis co-directeur artistique d’un ensemble nommé Tétraktys, dont la géométrie est variable et qui donne une quarantaine de concerts par an. L’année prochaine, deux tournées sont prévues, en Roumanie et au Burkina Faso !

12. Qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer dans l’organisation des XXèmes READ ?
Je ne me suis pas lancé tout seul ! C’était une décision commune de tous les enseignants des disciplines concernées : les professeurs de hautbois, hautbois baroque et basson, et l’ancien directeur, Pierre Migard, hautboïste de formation. La conjonction était favorable, l’orchestre s’inscrivant dans une bonne dynamique et le nouveau Conservatoire de Besançon ayant été inauguré.

Mais pour créer une énergie positive, il faut avoir une équipe. Nous avons eu la chance d’avoir une équipe de bénévoles et parents d’élèves qui se sont investis toute la dernière année. Cela reflète l’esprit de la région Franche-Comté, région de coopératives où les gens ont envie de se retrousser les manches pour trouver des sponsors, accueillir les visiteurs dans les meilleures conditions…

13. Qu’avez-vous cherché à transmettre au cours de cet événement ?
Nous jouons d’instruments qui comptent parmi les plus anciens de l’histoire de l’humanité et les plus répandus sur la planète, quand on compte les instruments traditionnels. Malheureusement, à notre époque, ces instruments ont tendance à se restreindre. Nous devons faire un véritable travail pour inventer le futur de ces instruments, et pour que s’effectue une prise de conscience de la richesse de ce patrimoine et de ce multiculturalisme.

Nous avons donc voulu mettre l’accent sur l’ouverture au monde des amateurs, ainsi qu’à celui des mélomanes et des curieux. C’est ainsi que nous avons choisi une thématique destinée à nous donner localement une certaine visibilité auprès d’un public non spécialisé. Besançon étant une capitale horlogère, nous avons choisi la thématique du temps, et plus spécialement « notre temps », afin d’aborder la création.

En effet, nous voulions faire en sorte que les professionnels du métier découvrent un nouveau répertoire, d’où de nombreuses œuvres présentées en création. Ce furent près d’une dizaine sur le week-end, avec une ouverture esthétique assez importante : la pièce pédagogique Oboe boy, oboe girl de Sylvain Rifflet pour 2ème cycle, la création de Shehnaï de Hersant pour le concours, les Quatre Saisons de Nicolas Bacri pendant le concert de gala, la pièce de Durieux dédiée à la mémoire de Holliger, la création des 12 pièces de Bruno Giner qui incluait des musiciens amateurs…

14. Comment fait-on pour rassembler à la fois solistes, exposants et professionnels, tout en attirant un public non initié ?
Tout d’abord je souhaite souligner la grande générosité du milieu en général. Le congrès repose sur un budget artistique très réduit, ce qui signifie que la profession fait preuve d’une importante solidarité, mais aussi d’une grande simplicité dans la mise en place de l’événement.

Pour attirer un public extérieur, nous avons d’abord conçu des manifestations dont les formats s’adressent à des personnes non spécialistes. La manifestation était entièrement gratuite, même pour les non-adhérents. Nous avons aussi organisé en amont des événements pour attirer l’attention, par exemple une série de flash mobs dans le réseau de transports, pour se faire remarquer de tout le monde dans la ville. Même si tous les habitants de Besançon ne sont pas venus au congrès, au moins une grande partie d’entre eux savait qu’il se passait quelque chose de spécial ! Il y a tout de même eu près de 4600 visiteurs sur la journée du samedi, et 600 spectateurs au concert de gala.

15. Qu’est-ce qui a été le plus difficile dans l’organisation de ce congrès ?
De tenir jusqu’au bout !
Plus sérieusement, ce qui est difficile, c’est d’organiser un congrès quand on n’est pas un professionnel de l’organisation d’événements. Or, c’est un congrès qui a pris suffisamment d’importance pour justifier la présence de professionnels en la matière. Le travail est donc colossal. Il faut apprendre en même temps que l’on fait. En tous cas, c’est une belle aventure humaine, autant avec les bénévoles, qu’avec les artistes ou les marques.

16. Si tu devais raconter un beau moment de ce congrès ?
Il y en a plein ! Mais je reviendrais sur les créations des pièces, car il est émouvant d’entendre pour la première fois des œuvres et de se dire qu’elles vont compter dans le répertoire. On sait que l’on a participé à quelque chose qui va au-delà d’un projet ponctuel.

C’est aussi la convivialité, le fait de revoir des amis qu’on n’a pas forcément le temps de croiser ailleurs, que ce soit des collègues ou des anciens élèves qui reviennent pour l’occasion. D’ailleurs il y a dans les équipes de bénévoles des parents d’élèves dont les enfants ont quitté la classe depuis bien longtemps !

Mais le plus important, c’est vraiment la satisfaction des personnes qui ont participé ou assisté à l’événement. Le bilan est très positif. Le congrès est européen, mais il y avait neuf nationalités représentées ! Japon, Autriche, Pays-Bas, Allemagne, Angleterre…

17. Que retires-tu de cette expérience ?
Beaucoup de choses. J’ai beaucoup appris en écoutant les concerts, les conférences, ou par les rencontres professionnelles sur des sujets pédagogiques un peu pointus. C’est aussi l’occasion de faire le tour de ce qui se passe dans le monde de la facture instrumentale, ou dans celui de l’informatique musicale.

18. Que représente Buffet Crampon pour toi ?
Pour moi, la facture du hautbois est un signe de l’excellence française. Mais chez Buffet Crampon, il y a un vrai « plus » : le fait d’allier le côté traditionnel de la manufacture à une activité de Recherche et Développement très importante. Buffet Crampon sait garder le contact avec l’instrument tout en s’imposant comme pionnier dans le domaine du progrès technique.

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